Mon histoire, mes origines : le commencement
- Marjorie

- 27 août 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 janv. 2024
Voici le tout premier texte que j’ai écrit, alors que je décidais d’entamer mes recherches.
Ce processus, je l’ai débuté sans avoir aucune attente. Je me suis lancée tête première, sans même m‘imaginer qu’un jour, je puisse vraiment retrouver ma mère biologique.
J’ai décidé de vous partager cette tranche importante de ma vie, en toute humilité, pour donner de l’espoir à tous ceux et celles qui comme moi, sont en quête leur d’identité, celle que l’on leur a volée.

Du plus loin que je me souvienne j’ai toujours su. J’ai toujours su que j’étais adoptée du Guatemala. Mes parents ont toujours été ouverts à m’en parler. Jeune, ça ne voulait rien dire pour moi. J’ai grandi en banlieue de Montréal. J’étais comme les autres, avec la même langue, la même culture, les mêmes références.
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À chaque anniversaire, je recevais par la poste une carte de souhaits en provenance du Guatemala. Elles étaient envoyées par Susana, l’avocate guatémaltèque qui s'est occupée de mon adoption. Une gentille dame qui m’aimait beaucoup, selon mes parents. Tout ça ne m’interpellait que très peu, mais j’étais tout de même contente de les recevoir.
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Mes parents m’ont toujours dit que lorsque je serais plus vieille et intéressée, je pourrais regarder mon dossier d’adoption. Qu’à l’intérieur, il y avait une lettre écrite par ma mère biologique qui expliquait pourquoi elle m’avait mise en adoption. Mes parents m’ont quand même expliqué qu’elle avait fait ce choix pour mon bien. Elle était monoparentale, dans la fin vingtaine et femme de ménage hébergée chez ses employeurs, avec ses trois autres enfants. Lorsqu’elle a appris mon existence, ses employeurs lui ont demandé de faire un choix déchirant : soit me garder, mais eux ne pourraient plus l'héberger puisque nous serions trop nombreux ou soit me donner en adoption pour conserver son toit et être capable de subvenir aux besoins du reste de ma fratrie.
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Encore une carte d’anniversaire. Je ne me rappelle pas j’ai quel âge exactement, mais cette fois, je décide de répondre à l’adresse courriel inscrite dans la carte. Sans trop savoir quoi dire, avec l’aide de ma psychologue, nous traduisons un petit texte en espagnol. Je joins une photo de moi à mon courriel et je l’envoie. À partir de cette année-là, je n’ai plus jamais reçu de carte. L'hypothèse de mes parents est qu'elle attendait le jour d’avoir de mes nouvelles et savoir que j’étais bien pour passer à autre chose.
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- « C’est où ça le Guatemala? » - «Tu as de la chance d’avoir grandi ici, là-bas c’est pauvre. » - « Tes parents ici t’aiment, ce sont eux, tes vrais parents. » - « C’est le plus beau cadeau que ta mère (biologique) ait pu te faire, te donner en adoption pour que tu puisses avoir un meilleur avenir. » - « Penses-tu un jour essayer de la retrouver? »
Non, ce n’est n’est pas dans mes plans d’essayer de la retrouver. D’ailleurs, je n’aime pas cette question parce qu’elle est toujours suivi d’un « pourquoi » et je n’ai pas la réponse.
- « Si un jour tu décides de retrouver ta mère biologique, je vais t’aider et je veux la rencontrer avec toi. Mais ce sera toujours moi ta maman, hein? ».
Quelque chose dans cette phrase me rend inconfortable, mais je n'y pense pas trop car, de toute façon, ça ne m’intéresse pas de la retrouver.
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Au début du cégep, vers 18 ans, je déménage à Montréal. Il m’arrive, dans le métro ou sur la rue, de me faire arrêter par des gens qui me parlent en espagnol. Mais pourquoi donc? Je ne comprends pas, car je ne parle pas l’espagnol. Qu’est-ce qui a bien pu leur faire croire que oui? C’est alors pour la première fois que je réalise que je ne ressemble pas aux autres physiquement. J’ai des traits particuliers et les gens le remarque. Spécial.
- « Oh tu es adoptée! Et pourquoi tu n’as pas appris l’espagnol? »
Mais pourquoi je l’aurais appris? Où j’ai grandi, je n’ai jamais entendu une seule personne parler espagnol. Qu’est-ce que ça m’aurait apporté?
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J’ai 24 ans. Avec une amie on décide de partir en voyage. On regarde les destinations où les billets d'avion ne sont pas trop chers.
- « Hey, ça te tente le Guatemala? 485 $ aller-retour, c’est pas cher! Ça pourrait être cool.»
Est-ce que ça me tente? Je me suis toujours dis que j’irais au Guatemala quand je serais prête. Est-ce que je suis prête? Est-ce que je vais être prête un jour? Et prête à quoi exactement? Ok, on y va.
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Les gens dans la rue se saluent en se croisant. On me salue également. Ça me fait drôle. Est-ce qu’ils savent que je viens d’ici? Que je suis l’une des leurs? Ceci allume un petit quelque chose en moi et me rend heureuse.
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Alors que nous séjournons dans une auberge au cœur de la jungle, nous rencontrons le jeune Matéo. Il a environ 10 ans. J’ai un coup de cœur pour cet enfant. Il me fascine, sans trop savoir pourquoi. Il est souvent à l’auberge et s’amuse avec les touristes jusqu’à tard le soir. Je me demande où sont ses parents. Je prends des photos et me créer des souvenirs. On quitte deux nuits plus tard, pour continuer notre voyage.
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Nous prenons un vol interne du nord du pays pour retourner à la capitale. Je regarde par le hublot les paysages, les montagnes sans fin. Je repense à Matéo. Et si je l’avais ramené avec moi? Si je lui avais offert une vie meilleure au Canada? Tout en ayant ces pensées, un sentiment déplaisant m’envahi. On ne peut pas séparer un enfant de ses racines, de sa culture. Qui suis-je pour penser qu’il serait mieux ainsi? Puis, je me mets une seconde dans sa peau. Comment je me sentirais perdue si quelqu’un m’amenait loin de chez moi et je me sens mal. Je continue de regarder par le hublot et je pleurs. Je pleurs à chaudes larmes et en silence. Je n’ai jamais vécu un tel sentiment de toute ma vie. Je n’arrive pas à m’expliquer ce que ressens. Autant j’ai mal, autant je souhaite que ce moment ne se termine pas.
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De retour à Montréal, j’explique ce moment que j’ai vécu du mieux que je peux à psychologue. Elle me parle alors de la mémoire émotionnelle. Ces mots résonnent. Est-ce que c’est ce que j’ai vécu? Qu’est-ce qui s’est passé avec moi pendant mes six premiers mois de vie alors que j’étais là-bas? Et si cette partie de ma vie avait une incidence sur qui je suis maintenant? Je n’y avais jamais pensé avant. Je demande alors à mes parents de me donner mon dossier d’adoption.
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Merci Marjorie, je t'admire et suis heureuse de t'avoir eue comme compagne de voyage. Ton récit est captivant et émouvant. Aussi quelle belle petite fille tu étais! Et tu es toujours aussi jolie d'ailleurs!
Merci de partager une partie de ton histoire
J'ai hâte de connaître la suite...
Je te trouve très courageuse, ta démarche l’est tout autant. Ton histoire m’interpelle beaucoup aussi, oui vu qu’on est parent, mais parce que je suis aussi adoptée. J’t’❤️
Oh mon dieu mais ou est la suite ?!?!
J’ai beau déjà ”connaître” ton histoire et même en faire partie, je dévore tous tes mots ecrit ci-haut. Tu ecris extremement bien et j’adore que tu nous donne accès a cette partie la de toi, cette version des choses. Je t’ai toujours trouvé intelligente, résiliente, brave, forte et encore plus maintenant. Je suis fiere d’avoir grandi avec une femme aussi inspirante. Je t’aime mon amie.
Merci Marjorie ♥️