La réalité derrière les adoptions
- Marjorie

- 6 sept. 2023
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 janv. 2024
Cela fait quelques temps que je n’ai pas eu de nouvelles de Susana, l’avocate guatémaltèque et par le fait même, que mes recherches n’avancent pas vraiment.
Entre temps, je continue de tisser des liens de plus en plus serrés avec d’autres personnes adoptées. Celles-ci, il a y a quelques mois, ont participé à un reportage de l’émission Enquête¹, mettant en lumière les irrégularités des adoptions en provenance du Guatemala.
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C’est avec fébrilité que la date venue de la diffusion, chacun s’est réuni, soit en famille ou soit entre amis, pour le visionnement.
De mon côté, je me suis rendue chez mon amie Maria, également guatémaltèque adoptée. C’est un verre de vin à la main, que nous nous sommes installées pour écouter le reportage, qui me perturbera pour quelques jours.
Je savais qu’il y avait eu un trafic d’enfants. Que certains d’entre nous ont été adoptés par des familles québécoises, alors que leurs parents biologiques n’y ont jamais consenti.
Cependant, de réaliser que, durant les années 90, des soupçons ont été levés sur ce réseau bien établi et que rien n’a pourtant changé, me met en colère. Et c’est la première fois que je vis cette émotion depuis que j’ai débuté mes recherches.
Comment est-ce possible? Bien sur la corruption est installée dans toutes les sphères du Guatemala.
Mais ici, au Canada et au Québec, comment se fait-il que nous ayons pu arriver par centaines sans que personne ne se pose de questions? Ou plutôt devrais-je dire, décide de se fermer les yeux?
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Maria me montre ce soir-là, un scrapbooking que sa maman adoptive à fait. Elle y a conservé tous les articles de journaux parus à l’époque dans le journal de Montréal, traitant des adoptions internationales, dont la grande majorité sur le Guatemala.
C’est également à ce moment que je réalise que Susana était une avocate connue. Elle est interviewée dans plusieurs des articles conservés par la mère de mon amie. Celle-ci prend parole pour démentir l’existence d’un réseau de trafic d’enfants.
Il y a d’ailleurs article spécial parlant de « son client le plus connu », pour qui les parents adoptifs ont dû attendre longtemps et se « battre » pour finalement accueillir cet enfant.
Client? Ça me dégoûte.
Articles de journaux conservés par la maman de Maria.
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Par curiosité, je décide d’aller sur la page Facebook de Susana ainsi que celle de son associé, Rodrigo Valladares.
Je tape dans la barre de recherche le nom d’Emond Mulet². C’est avec stupéfaction que je vois sa photo apparaître. Ceci me paraît de plus en plus être un cauchemar.
Je décide aussitôt de les enlever tous les deux de mon Facebook. Je crains que d’avoir contacté cette femme nuise finalement plus qu’autre chose à mes recherches.
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Mon père, qui a regardé le reportage m’envoie un courriel. Il peine à croire que cela puisse être vrai. Ils ont, lui et ma mère, rencontré cette femme lorsqu’ils sont allés me chercher au Guatemala. Elle était si gentille et semblait être, réellement, attachée à moi.
J’imagine très bien que pour eux aussi, cette histoire est un choc. Je suis consciente que derrière toutes les démarches que j’entreprends, deux personnes ont de leur côté adopté en croyant faire un processus légal. Jamais je ne voudrais les blesser, mais mon besoin de connaître la vérité est viscéral.
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Je suis Marjorie Lopez, une séquestrée, une disparue, une chercheuse. C'est moi à approximativement 6 mois. Je suis née le 8 décembre 1992 à l’hôpital San Juan de Dios. Je été « donnée » en adoption le 9 juin 1993 quand j’avais 6 mois. Je cherche ma mère, son nom est Juana Francisca Lopez Ramirez.
Avec le collectif qui m’aide à ce moment-là dans mes démarches, nous créons une affiche de recherche. Le but est d’exposer un peu partout, mon affiche ainsi que celles d'autres adoptés, dans les rues de la capitale, au Guatemala. Ne sait-on jamais, des personnes pourraient nous reconnaître. Nos familles nous cherchent peut-être de leur côté également…
C’est quelque chose qui est encore trop gros pour moi à envisager. Et si ce n’était pas le cas. Que vais-je faire si elle ne veut pas me voir? Si je suis un mauvais souvenir ou encore si elle ne se rappelle plus de moi?
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1. Voici le lien pour visionner le reportage d'Enquête de Radio-Canada : https://www.youtube.com/watch?v=Up3LmUuh5sQ
2. En visionnant le reportage, vous en apprendrez d'avantage sur Edmond Mulet, homme politique et diplomate guatémaltèque, impliqué dans le trafic d'enfants. À titre informatif, celui-ci est actuellement candidat à l'élection présentielle de 2023 au Guatemala.














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